Jazz sous les Pommiers Acte VI – 15 mai 2015
Dark Was Night…
Il y a des journées comme ça ou on aimerait rester sous la couette et ne jamais mettre le pied par terre. La journée du 15 mai 2015 restera de celles-là.
La mort de B.B King bien entendu. La journée passée devant l’écran pour tenter de lui rendre un modeste hommage digne de ce nom, et par effet boomerang le rétrécissement du temps passé à Jazz sous les Pommiers.
Le Shuttle s’étant mis de la partie pour nous gâcher la journée, la chanteuse bassiste Meshell Ndegeocello a été contrainte de commencer son concert en même temps que celui d’une légende vivante peu connue : Pharoah Sanders.
Le choix est très vite fait car Sanders n’est plus un gamin et appartient à l’histoire.
Pharoah Sanders commence sa carrière professionnelle au début des années 60. La lutte pour les droits civiques bat son plein. Le blues a été jeté à la poubelle par une population noire qui l’assimile à son passé de misère et le jazz, trop intellectuel, n’intéresse plus guère sa communauté. Pourtant, il s’apprête à faire sa dernière révolution, celle du free jazz, dont il ne se remettra jamais. Au cœur de cette révolution un musicien hors pair qui n’est pas à proprement parlé un musicien free : John Coltrane.
Pharoah Sanders fut l’élève et le disciple de Coltrane, son sideman sur certains enregistrements (Ascension, Méditations…) et en concerts. Le voir, ou plutôt le revoir hier soir, était donc très important pour moi. Avec lui, dans ce que j’ai coutume d’appeler ma deuxième maison, le New Morning à Paris, j’ai connu des moments inoubliables.
Malheureusement, l’homme est très fatigué et n’est plus que l’ombre de lui-même. On n’est loin des longues envolées lyriques, puissantes et évocatrices, dont il était coutumier il y a encore quelques années. Au point que bien souvent, le musicien laisse ses accompagnateurs se débrouiller seuls pour aller se reposer. Conséquence, un concert soporifique, parfois à la limite du pathétique.
Je comprends que l’on soit attaché jusqu’au bout à ce qui a fait sens dans une vie, puisse le public l’avoir compris.
Dark Was Day… and Night.
Patrick Guillemin – 16 mai 2015