Jazz sous les Pommiers Acte V – 14 mai 2015
Diversité féconde…
Au moment même où j’écris ces lignes, j’apprends la mort d’un immense artiste, B.B King, auquel je souhaite ici rendre hommage en introduction, tant son génie musical a irradié la musique du XXème siècle.
La journée d’hier aura été féconde d’univers musicaux différents et plaisants, nos petits frenchies ayant largement rivalisés avant que n’arrive la Reine de la soirée et sa joie de vivre communicative, j’ai nommé Lisa Simone.
J’ignore si pour lui ce sera un compliment, mais la musique de Guillaume Perret, dont le groupe Electric Epic apparaissait hier largement remanié, me fait de plus en plus penser au Jimi Hendrix Expérience ou à Cream plutôt qu’à un quelconque jazzman. A moins qu’il ne s’agisse du Coltrane « Free » qui transparait dans l’excellent cd live « One Down, One Up ».
En tout cas, avec le temps peut-être, je commence à rentrer dans sa musique et à la trouver intéressante. On est très très loin des « canons » du jazz, même actuel, mais sa démarche originale fait sens. A suivre…
On ne présente plus le duo que forme souvent le pianiste Omar Sosa et le trompettiste Paolo Fresu, qui a posé ses valises hier à Coutances. Leur escapade musicale nous a emmenés à Cuba, New York ou Berchidda (lieu de naissance de Paolo Fresu en Sardaigne), et leur complicité ne manque pas de nous enchanter à chaque représentation.
A Jazz sous les Pommiers c’est parfois comme chez Balsen, on a droit à « monsieur plus », et pour le plus grand bonheur des spectateurs venus nombreux, c’est cette fois Omar Sosa et son orchestre au grand complet qui prennent la suite du duo. La musique devient alors clairement cubaine mais résolument tournée vers une modernité qui préfigure peut-être le Cuba de l’après Castrisme.
Le concert suivant est bien plus que cela puisqu’il s’agit d’une création mêlant chant, son, images, danse et théâtre d’ombres. Une idée originale, qui je l’espère trouvera son public car le travail artistique est remarquable. Du très haut niveau qui est l’œuvre de Sandra N’Kaké et Jî Drû.
J’avais quitté Sandra N’Kaké il y a quelques années après une prestation au Paris Jazz Festival qui m’avait très largement laissée sur ma faim. Je retrouve à Coutances une artiste qui a fait un bond qualitatif énorme, se servant sans doute de son vécu pour acquérir un chant qui a maintenant la maturité nécessaire pour se plonger dans l’idiome culturel noir américain.
A l’inverse du duo Jacky Terrasson/Sly Johnson la veille, qu’elle aborde Nina Simone, Bowie ou les Doors, elle habite littéralement ses chansons que l’on pourrait croire siennes.
Mais pourquoi donc Lisa Simone a-t-elle attendue si longtemps avant d’enregistrer sous son nom ? Elle seule a sans doute la réponse, mais ce qui est certain, c’est qu’elle ne laisse personne insensible.
C’est encore au Paris Jazz Festival auquel je vais faire référence et à la bonne idée de Sébastien Danchin de l’inviter sur scène en juillet 2012. Ce jour-là, quasi inconnue ici, elle avait totalement bluffée le public du Parc Floral, tant par son chant que par son « entertainement ».
Du très court entretien que nous avions eu ensemble à l’époque, elle m’avait promis de revenir bientôt. Promesse tenue.
Aussi forte et énergique que sa mère était fragile, Lisa Simone pourrait à elle seule incarner la grâce et la joie de vivre. Il est pourtant clair à la lecture des biographies qui trainent sur le net que sa vie, et plus particulièrement son enfance, n’ont pas été un long fleuve tranquille.
Plus d’un en aurait été brisé, elle en a tiré une force de caractère et une façon de voir la vie très positives.
Mêlant avec bonheur soul, jazz, blues et parfois chanson française, Lisa Simone sait faire réagir le public, le faire chanter avec elle et lui communiquer sa bonne humeur. Son band, guitare sèche, basse, batterie, la seconde parfaitement et fait plus que l’accompagner.
Conquis, debout, le public lui fait un triomphe lorsqu’elle termine son tour de chant sur le célèbre « Suzanne » de Léonard Cohen. A quand la prochaine ??
Patrick Guillemin – 15 mai 2015