Jazz in Marciac Acte VII – 4 août 2015
Un Tutu trop long…
Troisième soirée à guichet fermé pour Jazz in Marciac. Troisième soirée de plaisir musical sans répétition. Soirée placée sous le signe de la diversité ou le « jazz » très tendance du quatuor de Stéphane Kerecki, fait place à la musique traditionnelle haïtienne teintée de blues et de cajun de Leyla Mc Calla, avant que le dernier fils spirituel de Miles Davis ne vienne déchainer le public pour l’emmener au bout de la nuit.
Talent Jazz Adami 2015 avec Laurent Coulondre, Stéphane Kerecki est sans doute monté sur scène avec le vague à l’âme de celui qui vient de perdre un bon compagnon. John Taylor, le pianiste avec qui il s’est produit au Paris Jazz Festival, est décédé d’un malaise cardiaque quelques jours plus tôt, lors de leur prestation.
Qu’il soit au moins rassuré sur ce plan, Guillaume De Chassy, le nouveau pianiste du quatuor a parfaitement assuré la relève, et les thèmes du concert, placés sous le signe du cinéma « nouvelle vague » des années 60, étaient très agréable à écouter. Emile Parisien, le jeune saxophoniste du groupe, n’aura pas manqué de briller.
Leyla McCalla est une jeune femme intellectuelle d’origine haïtienne née aux Etats-Unis. Elle travaille le violoncelle depuis sa plus tendre enfance et a étudié la musique de chambre à la New-York University avant de partir jouer dans les rues de la Nouvel Orléans. C’est là qu’elle est remarquée par Tim Duffy, le fondateur et « boss » du Music Maker, la fondation qui vient en aide aux vieux bluesmen dans le besoin.
Après cinq années de travail, elle rend hommage à l’écrivain poète noir américain Langston Hughes sur son premier disque, financé par « crowfunding ». Un mélange de musique traditionnelle haïtienne, de blues et de musique cajun qui attire l’oreille de la critique. Le disque sort en France sur le très beau label spécialisé Dixiefrog en 2013.
Voilà comment deux ans plus tard elle se produit avec l’excellente violoniste Bria Bonet sur la scène de Jazz in Marciac ou son jeu de violoncelle très atypique et ses mélodies anciennes ont fait mouche. Il y a fort à parier que l’on reparlera d’elle dans peu de temps. Sa prestation fut à la hauteur des 5000 personnes venues l’écouter : parfaite.
Marcus Miller est en très grande forme et toujours désireux de jouer sa musique sur scène, face au public, là où il se sent sans doute le mieux, comme tous les grands artistes.
On ne présente plus Marcus Miller, le dernier fils spirituel de Miles Davis, l’homme qui dans les années 80 permettra à celui-ci de renaître à la gloire une dernière fois.
Comme tous les musiciens qui ont de longues carrières, Marcus Miller a parfois besoin de se régénérer et de se lancer dans de nouveaux défis. Apprendre le français par exemple, langue qu’il maitrise parfaitement au bout de cinq ans. Bien entendu, pour un musicien les choses ne peuvent pas s’arrêter là.
Afrodeezia est le dernier projet artistique de ce grand joueur de funk/jazz, et c’est en partie ce qu’il est venu présenter hier soir avec un orchestre largement remanié.
Bouchons d’oreilles obligatoires, ça bastonne toujours autant pour les premiers rangs.
Plus sérieusement, cela fait longtemps que je n’avais pas eu l’impression d’écouter une redite du concert précédent. J’ai vraiment passé un très bon moment, avec parfois une réelle émotion comme lorsque Marcus Miller nous parle de sa visite de la maison des esclaves sur l’ile de Gorée, avant de nous jouer le morceau qu’elle lui a inspirée.
Si ce n’était un « tutu » qui s’est étiré sur près d’une demi-heure, mais que les jeunes ont adorés, on peut dire que là aussi, la copie a frisée la perfection et c’est un public debout et survolté que Marcus Miller a emmené jusqu’à 2h15 du matin.
Patrick Guillemin – 5 août 2015