Ginger Baker – New Morning – Paris – 30 juin 2015
Aurait-il décidé de se produire avec un orchestre de bal musette que j’y serais allé. Il fallait absolument que je vois au moins une fois celui que je considère comme le meilleur batteur ayant jamais caressé (frappé ?) un tom avec Elvin Jones.
Cela peut sans doute paraître une banalité, mais quand Ginger Baker est derrière son instrument, il ne se contente pas de donner le rythme, il fait « vraiment » de la musique, chose rarissime pour un batteur.
Aux côtés d’Eric Clapton et de Jack Bruce, dans les temps reculés de la fin des années soixante, l’âge de pierre ou presque pour beaucoup de nos contemporains, l’homme a emmené le rock vers des contrés que seul Jimi Hendrix et l’Expérience ont foulés.
Mélangeant blues, jazz et rock, Cream assoira sa légende en quatre disques et trois petites années d’existence. Dynamitant tous les codes du genre, brulant les ponts afin que le voyage soit sans retour possible, ne laissant derrière lui que des cendres et d’éternels regrets.
Excessif, comme tous ses congénères de l’époque, l’homme est à soixante-seize ans bientôt, dans un état de fatigue tout aussi extrême que ses excès d’antan. Pourtant, une fois assis derrière sa batterie, la prestation tient encore largement la route. Et même si l’on a pu se demander raisonnablement s’il arriverait à finir son concert hier soir, celui-ci avait une prestance indéniable.
Pas de concert de trois heures, pas de folie, plus de ce rock qui en a fait une star méconnue, mais l’homme est toujours solidement épaulé, notamment par un Pee Wee Ellis aux accents jazz, dont l’interprétation du St Thomas de Sonny Rollins enchante la salle.
Prenant sur lui pour venir à bout de sa grande fatigue, Ginger Baker nous emmène voyager sur le continent africain ou, du nord, magrébin, au Nigéria, ce grand ami et disciple de Fela Kuti fait un pont réussi entre le jazz afro américain et la musique africaine.
Au final, une soirée comme seul le New Morning sait en concocter depuis bientôt 35 ans. Une soirée qui sera sans doute pour nous celle des adieux de Ginger Baker à la scène…
Patrick Guillemin – 1 juillet 2015