Support : Livre
Auteur (s) : Mezzo (Dessin) – J. M. Dupont (Scénario)
Type d’ouvrage : B.D
Nombre de pages : 62
Editeur : Glenat
L’avis du chroniqueur (*) : Indispensable
Il est bien connu que la perfection n’est pas de ce monde. Pourtant, à la vue de cette magnifique BD, on peut être certain que nous n’en sommes pas très loin. Sous quelque angle qu’on le prenne – artistique, historique, narratif – l’ouvrage est époustouflant.
Certains esprits chagrins diront que le parti pris par l’auteur de présenter le narrateur comme étant Lucifer, fait tomber son récit dans l’un des clichés les plus bateau qui soit concernant le Blues. Pourtant, personnellement, je trouve que cela colle parfaitement à l’histoire de ce musicien mythique qu’est Robert Johnson telle qu’elle est racontée ici. Non pas que je puisse croire une seconde au pacte faustien, le narrateur (Lucifer) n’y croit d’ailleurs pas une seconde lui-même. En revanche, la vie et la musique de Johnson sont un tel mystère entouré de drames que l’on peut aisément se prêter au jeu.
Les planches de dessins sont d’une beauté crépusculaire, et chacun d’entre eux est une œuvre d’art à part entière. Les détails ont sans aucun doute fait l’objet de recherches approfondies, reflétant parfaitement l’environnement de l’époque. Il s’en faut de peu pour que les notes de musique, les râles d’orgasmes ou les cris de violence ne s’échappent de la bande dessinée.
D’un point de vue historique, Mezzo & Jean Michel Dupont nous apprennent certains détails jusqu’ici peu connus sur Robert Johnson. Comme cette cataracte contractée très jeune et qui lui donne le regard fascinant que nous lui connaissons, l’identité de la jeune femme dont Robert pleure le départ dans « love in vain » (Willie Mae, la cousine d’Honeyboy Edwards), ou encore, plus troublant, le fait qu’il aurait survécu au poison, finalement emporté par une pneumonie et la syphilis.
Le livre pose aussi une question intéressante (et sans réponse à ce jour): pourquoi Robert Johnson est-il retourné vivoter dans le Sud alors que de fructueuses opportunités professionnelles s’offraient à lui dans les grandes métropoles du Nord ?
Enfin, l’auteur n’oublie pas que Robert Johnson sera avec Muddy Waters la principale source d’inspiration de quelques jeunes sauvageons, sujets de sa très gracieuse majesté, au début des sixties. Éric Clapton, les Rolling Stones et quelques autres s’approprieront « la musique du Diable » créée par Johnson et Waters pour la réimplanter sur sa terre natale.
Robert Johnson, ou sa légende, ont déjà fait couler beaucoup d’encre, mais très peu de ce calibre. Les auteurs réussissant l’exploit de faire de leur ouvrage un livre tout public. Les amateurs de blues et de Robert Johnson verront là un ouvrage de référence. Les autres y trouveront un aperçu fidèle de ce qu’était la vie d’un musicien noir dans le Sud des États-Unis il y a un siècle.
Patrick Guillemin
(*) Barème : Bon – Très bon – Excellent – Indispensable